Le ROI “bottom line” des réseaux sociaux : nul
Cas réel Marques et réseaux sociaux : Nathalie est Directrice Marketing d’un grand compte du secteur des produits financiers. Elle a bien appliqué tout ce qu’elle a lu, vu ou entendu sur des blogs, sur LinkedIn, lors de conférences, sur YouTube, en recevant des prestataires : elle a rendu sa marque très visible sur les réseaux sociaux.
En effet, autour de son site, il y a :
- Une belle présence sur LinkedIn.
- Une page entreprise avec 250 000 abonnés et des posts sponsorisés.
- Des profils de collaborateurs optimisés : url réécrites, bannières brandées et non brandées proposées par l’entreprise, rubriques infos renseignées…
- Plusieurs pages Facebook : pour les particuliers, pour les entreprises, pour le recrutement.
- Une chaîne YouTube avec un mix de vidéos coporate, de collaborateurs et de clients.
- Un compte Instagram actif.
- Des supports pédagogiques sur les produits financiers sur Slideshare.
- Des comptes Snapchat et TikTok pour entretenir des relations avec les plus jeunes clients.
Elle fait du Community Management, elle a opté pour solution d’employee advocacy. Mais quand elle mesure ses résultats, c’est assez mitigé : il y a, certes, un peu d’engagement mais en termes de business, de leads, que ce soit pros ou particuliers, elle ne voit rien venir.
L’organisation est présente, active, visible, cela satisfait beaucoup de monde en interne. Elle n’a pas de pression particulière sur les résultats obtenus. Mais, elle, cela ne lui convient pas.
Quand je la rencontre, elle me sollicite sur le sujet et me fait part de son énorme déception : il faut justifier du moindre centime de dépense sur une note de frais, mais sur le sujet digital, elle a l’impression que personne n’est gêné par les budgets qui filent.
Je tente de la rassurer en lui indiquant que la non-mesure du résultat est une sorte de norme.
En effet, sa situation n’est pas une anomalie. Selon le rapport 2020 du Content Marketing Institute, seules 43% des entreprises BtoB mesurent le ROI de leur “content marketing” :
et elles sont 51% en Btoc :
Beaucoup se reconnaîtront, elle a essentiellement des objectifs de diffusion. Cette situation ne la satisfait pas. Elle a besoin de comprendre pourquoi cette présence est inefficace. Les likes ne sont pas des clients.
Je la renvoie alors vers le CMO survey de l’AMA (American Marketing Association), un rapport trimestriel produit en collaboration avec l’université de Duke et le groupe Deloitte.
Elle constate ainsi que globalement les marketers ne sont pas satisfaits de l’impact business des réseaux sociaux. Tous les secteurs, y compris le sien, sont très touchés.
L’énorme paradoxe des réseaux sociaux
Je fais une parenthèse dans l’histoire de Nathalie.
Il y a un ENORME paradoxe des réseaux sociaux : les mêmes personnes considèrent à la fois que les réseaux sociaux ont une contribution trop faible aux résultats de l’entreprise mais qu’il faut y investir toujours plus. Ou plus exactement, y investissent une part croissante de leur budget et annoncent vouloir continuer à le faire dans les 5 années qui viennent.
Pour moi, c’est antinomique, mais apparemment, le marché n’est pas de cet avis. Il ne juge pas contradictoire cette combinaison d’absence de mesure du ROI, le manque de résultats probants et le mouvement à la hausse des budgets social media qui va s’amplifier. Si le rapport de l’AMA en dresse le constat, il n’en offre aucune explication.
J’aime les datas, mais j’aime surtout les comprendre les datas (la data en elle-même ne vaut rien), surtout quand elles envoient une information atypique ou surprenante. Mais je n’y parviens pas ici : les Directeurs Marketing constatent qu’un levier marketing a une faible contribution aux résultats, néanmoins ils lui affectent une part conséquente de leur budget et cette part est destinée à croître dans les 5 prochaines années.
Les réseaux sociaux sont payants
J’invite alors Nathalie à regarder ses chiffres de plus près. Elle constate que depuis plusieurs mois, la portée organique (le reach, le nombre de personnes qu’elle touche avec tous ses contenus) est en baisse. Et elle constate en parallèle que son budget “social ads” s’enflamme (j’entends ici tout le budget de push de ses contenus sur les réseaux sociaux) à l’image de ce qu’indique Yann Gourvennec dans un article : “Comme cela ne fonctionne plus organiquement, on déverse des tonnes d’argent”. (https://visionarymarketing.com/fr/2020/05/quitter-medias-sociaux/).
Ceci n’est pour moi pas une surprise. J’écrivais sur Presse Citron le 22 mars 2012 : ” rester sur Facebook avec 2 options : dépenser davantage et être en concurrence avec des multinationales aux budgets importants ou être de moins en moins visibles.” (https://www.presse-citron.net/nouvelle-timeline-facebook-vous-incite-a-aller-voir-ailleurs/).
Quand je dis cela, il y a à chaque fois des commentaires pour me dire que tel expert génère des leads et du business sans payer (oui, je sais, moi aussi d’ailleurs), que telle marque a réussi à émerger ou à cartonner grâce aux réseaux sociaux. C’est vrai aussi, mais on ne peut tirer des recos pour le plus grand nombre à partir de quelques exemples qui restent somme toute assez rares. Et mon point de vue concerne les marques, pas les solo entrepreneurs ni les candidats qui cherchent un job.
Il faut en effet différencier les solo entrepreneurs (coachs, consultants, formateurs…) qui vont utiliser des profils persos pour faire de l’approche directe ou générer de l’entrant et les marques qui se basent sur des pages entreprises dont le fonctionnement diffère, que ce soit sur LinkedIn ou Facebook, de celui des profils personnels.
Social Media payant : Ce qu’il faut savoir sur le sujet
D’une part, il y a toujours de plus en plus de contenus produits (posts, articles, vidéos, ebooks, livres blancs, infographies…) et d’autre part, la consommation de contenus atteint un palier. Pour reprendre une expression de la télévision : le temps de cerveau disponible n’est pas extensible.
Donc réussir à générer de la visibilité sur ses contenus devient un exploit. Certes, on voit des posts ou des vidéos qui génèrent des milliers de vues (mais quel business ?), notamment chez les spécialistes du sujet, mais on voit aussi et surtout beaucoup plus de contenus qui n’ont que peu de visibilité et un engagement qui ne sort pas réellement du périmètre des collaborateurs de l’entreprise (à supposer déjà que cet engagement existe).
D’où le recours à des modèles payants.
Sur ce point il faut aussi comprendre que les algorithmes ne fonctionnent pas de la même manière qu’on parte d’un profil personnel ou d’une page entreprise.
Depuis le profil perso, il n’y a pas réellement d’enjeu de la part des plateformes. Tout est donc fait pour que vous puissiez avoir un peu de visibilité. Par exemple LinkedIn ne prend pas en compte que vous ayez régulièrement des milliers de vues pour davantage pousser vos prochains contenus. L’objectif est que chacun ait sa chance.
Depuis une page entreprise, tout est fait en revanche pour que vous ayez le moins de reach organique (nombre de personnes touchées sans payer) possible afin que vous basculiez le plus rapidement possible dans un modèle payant, ne serait-ce par exemple que pour avoir le niveau de visibilité que vous avez depuis votre compte / profil / page personnel.
Les pages ou pages d’entreprises sont des produits. C’est important de le comprendre. L’algorithme ne va pas pousser vos contenus “corporate” gratuitement alors que chaque plateforme propose des solutions payantes pour le pousser.
Marques et Réseaux Sociaux : le royaume du push
Dans son article que j’ai cité précédemment, Yann Gourvennec parle de publicité descendante. Le dernier rapport de Forrester que Yann mentionne (it’s ok to break up with social media) dénonce le fait que les marketers ont complètement détourné les réseaux sociaux de leur caractéristique (pour ne pas dire valeur ajoutée) naturelle : générer des discussions, des conversations, des échanges. C’est aujourd’hui totalement perdu de vue par la majorité des acteurs.
On reste, comme je l’ai déjà indiqué dans de nombreux autres articles, piloté par le marketing mass media très push des années 1960-2000 sans se rendre compte (ou sans prendre en compte) que le monde a changé. En tout cas le monde online, sur ce sujet, n’a pas les mêmes ressorts que le monde offline.
Les réseaux sociaux sont devenus, pour les marques, et depuis longtemps, des canaux de communication où on pousse ses messages à grands renforts de budgets, en espérant toucher un maximum de monde. On est en plein “hope marketing” : on fait quelque chose en espérant que cela produise un résultat. Et ensuite, on vient se plaindre qu’il n’y en a pas (de résultat).
Problèmes :
- C’est de plus en plus difficile (d’être visible).
- C’est de plus en plus cher (même si en ce moment avec la crise covid, les coûts sont en général plutôt en baisse).
- On n’est pas du tout sûr de toucher les bonnes personnes (même si payer réduit ce risque).
- On peut toucher les mauvaises personnes (concurrents, growth hackers, spammers…).
Réseaux sociaux : une communication bridée
En analysant son historique, Nathalie fait un autre constat : On ne peut pas tout dire. Tout son contenu est visible et chaque post est aussi une information envoyée au marché, aux concurrents.
Elle se rend compte que, dans les faits, sa communication doit être bridée. Comme il est extrêmement difficile de savoir et surtout de choisir qui voit quoi, elle n’est pas réellement libre ou alors elle traite les sujets de manière superficielle, ce qui ne renvoie pas l’image qu’elle veut donner de son entreprise.
Pourtant elle a besoin de passer des messages, d’apparaître comme un intervenant de référence sur son marché.
Sur ce point clairement, les réseaux sociaux ne servent pas son objectif.
Réseaux Sociaux : vous aidez vos concurrents à développer leur business
Je lui ai fait prendre conscience de ce point dont elle ne s’était pas du tout rendu compte. Il est en lien avec le point précédent, mais il est un peu technique.
Si elle ne génère pas de leads avec sa présence social media, d’autres acteur de l’environnement (des concurrents donc) arrivent eux à générer des leads grâce à ses contenus. En effet, elle se rend compte que ceux qui s’engagent (likes, commentaires) sur ses contenus sont relancés par d’autres acteurs de son écosystème. L’expert social selling qui l’a accompagnée pour déployer son projet ne lui avait pas fait part de cette possibilité ni de cette pratique.
Conclusion : Marques : faut-il quitter les réseaux sociaux ?
Après des investissement assez conséquents (outils, formations, ligne éditoriale, community management…), Nathalie dresse ce constat :
- Une présence active sur les différentes plateformes. De la visibilité, de l’engagement, mais au-delà de ces éléments qualitatifs, pas réellement d’impact business. Point sur lequel elle se rend compte, que c’est plutôt une norme sur son secteur.
- Un budget “push” croissant pour arriver à toucher des cibles.
- Une probabilité de plus en plus importante de ne pas être vue.
- Pas de réelle maîtrise de qui voit quoi.
- Des algorithmes qui changent régulièrement, ce qui est difficile à suivre pour une grosse structure telle que celle qui l’emploie.
- Une impossibilité de passer les messages qu’elle souhaite et d’afficher de manière trop claire le niveau d’expertise de ses équipes.
- Des concurrents, de toute taille, qui profitent de ses contenus pour aborder directement ceux qui s’engagent sur ses contenus pour trouver des leads.
Elle a un sentiment de double peine : elle obtient de moins en moins ce qu’elle y cherche, en revanche, son budget augmente en permanence.
Des solutions, il y en a. Elles sont adaptables au contexte de chaque entreprise. Des solutions existent qui permettraient à Nathalie de réduire ces risques de contenus qui passent inaperçus, de sentiment d’argent jeté par les fenêtres ou de piratage. Le sujet, vous intéresse ? on en discute. Appelez-moi et on discute. https://calendly.com/cyrilbladierefforst/strategie-digitale