Avec plus de 20 milliards de dollars de CA et une part de marché ultra majoritaire (autour de 90% en France) Google s’expose. Quelques concurrents, annonceurs, journalistes ont pu tirer la sonnette d’alarme (sans grand effet), mais maintenant, ce sont les autorités qui s’intéressent aux pratiques du géant californien. En effet, outre cette position ultra dominante, les annonceurs ignorent tout du fonctionnement du système Adwords. Personne ne sait quand ni en quelle position sera diffusée son annonce. Selon notre Autorité de la concurrence; même si les annonceurs s’accommodent de l’opacité du fonctionnement de Google, “la question de sa neutralité pourrait cependant atterrir devant un gendarme de la concurrence."
Le 30 juin dernier, l’Autorité française de la concurrence a donné 4 mois à Google pour s’expliquer sur “les conditions d'utilisation de son service, et notamment les procédures de rupture”, suite à la suspension de du compte de la société Navx (spécialisée dans les bases de données de localisation des radars routiers) en reconnaissant que “Google a la possibilité d'influencer les performances d'une entreprise pour la dissuader d'utiliser AdWords sans même la sortir du système”.
Signe de l’ampleur du doute qui pèse sur les pratiques de Google, notre Président a demandé un avis pour l’automne prochain sur le fonctionnement du marché de la publicité en ligne.
Après la France, c’est l’Europe qui se pose également des questions sur les pratiques de Google. En effet, Joquin Almunia (VP de la Commission en charge de la concurrence) a rappelé (Figaro.fr du 7/7/10) que: “Les entreprises ne sont pas autorisées à établir des barrières artificielles qui divisent le marché au détriment des consommateurs” et a annoncé que “les principes de la concurrence doivent être maintenus dans l'économie numérique avec la même force qu'ils le sont dans l'économie traditionnelle". Il a ajouté que ses services examinaient les allégations de conduite anticoncurrentielles dans la recherche et que les consommateurs soient avisés que les résultats d’un moteur de recherche sont manipulés.
Microsoft qui a déjà subi de telles actions de la part de la Commission, s’en est sorti avec près d’1.7 milliard d’euros.
Prochaine cible: Facebook. Car si “changer de moteur de recherche peut sembler assez facile”, “changer de réseau social est plus difficile à cause d'effets de réseaux plus forts et de la portabilité des données”.
Autre inquiétude qui pèse sur Google, la collecte d'informations sur les utilisateurs. Les 2 fondateurs se sont toujours défendus de recourir au "profiling" systématique. Pourtant, le Wall Street Journal a publié cet été un document interne contenant un chapitre "Interest targeting" où il est écrit: "Google différenciera ses capacités de ciblage publicitaire par la qualité de connaissance de son audience. Cette qualité résultera de bonnes sources de données associées à des méthodes d'analyses sophistiquées. Dans ce but, une équipe de développement devrait être constituée […] et des statisticiens devraient travailler à des modèles itératifs complexes qui s'amélioreront au fil du temps. Typiquement, d'autres réseaux de publicités utilisent aujourd'hui des approches très simplistes de leur audience, par exemple en repérant les centres d'intérêts des utilisateurs sur la base de 2 pages de thématiques comparables visualisées dans les 14 derniers jours. L'algorithme que Google est en train de mettre en place sera beaucoup plus élaboré."
Malgré toutes les déclarations qui ont pu être faites, cela fait au moins 2 ans que Google travaille sur le ciblage comportemental. D'ailleurs, à peine l'article était-il sorti dans le Wall Street Journal que le PDG Eric Schmidt confirmait: "Nous savons grosso modo qui vous êtes, ce qui vous tient à coeur, qui sont vos amis. […] Je pense vraiment que la plupart des gens ne veulent pas que Google réponde à leurs questions. Ils veulent que Google leur dise ce qu'ils devraient faire." Concernant le pouvoir du ciblage individuel, Eric Schmidt précisait: "La technologie sera tellement parfaite qu'il sera très dur pour les gens de voir ou de consommer quelque chose qui n'a pas été, d'une certaine manière, taillé sur mesure pour eux." Et bien sûr, pour faire passer la pilule en désignant un autre débat, le PDG de Google se fendait d'une énormité : "Chaque jeune individu aura le droit un jour de changer automatiquement son nom lorsqu'il aura atteint l'âge adulte, afin de pouvoir renier les trop bons moments enregistrés sur les sites de médias sociaux de ses amis."
En d'autres termes, les résultats et les publicités qui s'affichent ont pour objectif de nous amener à consommer ce que Google aura choisi pour nous.