Article très intéressant paru dans Forbes il y a quelques jours : Could LinkedIn lose its market dominance ? D’autant plus intéressant qu’il est l’opinion de Daniel Tunkelang, ex “Director of engineering / data science” de LinkedIn (où il a passé 5 ans). Aujourd’hui, ol conseille Yelp, Salesforce, Apple… Il définit ainsi son métier chez LinkedIn “connecter les talents à des opportunités à grande échelle” c’est-à-dire “aider les gens à recruter et à être recrutés”.
“LinkedIn est le leader du marché pour recruter mais il n’innove pas assez”.
Linkedin est l’outil le plus puissant au monde pour les professionnels du recrutement et les employeurs. Mais, depuis quelques temps, il stagne. LinkedIn a probablement été plus intéressé par les ventes et le marketing. Peut être que son énergie est consacrée à l’intégration avec Microsoft. Quelle qu’en soit la raison, LinkedIn n’offre pas d’innovation significative en tant que plateforme de recrutement.
Néanmoins, LinkedIn gagne. LinkedIn a bousculé des acteurs “traditionnels” comme Monster en créant une plateforme où les gens peuvent prendre en charge leur professional branding. LinkedIn a créé l’industrie du recrutement de candidats passifs (ceux qui ne sont pas en recherche, mais restent ouverts à des opportunités). Aujourd’hui, LinkedIn domine ce marché, mais ne que deuxième en tant que destination des chercheurs d’emploi actifs, derrière Indeed.
LinkedIn sait qui vous êtes
Sa base de données de 500 millions de contacts est une base de données sans équivalent de noms, localisation, employeurs actuels et passés. La majorité du chiffre d’affaires de LinkedIn vient de la fourniture aux recruteurs de la possibilité d’utiliser ces données pour trouver les bonnes personnes et les contacter. (ce que je rappelais dans un article précédent : mettez LinkedIn à sa place : le recrutement c’est 65% du chiffre d’affaires de LinkedIn).
LinkedIn sait qui vous connaissez
Son “professional graph” représente les millions de connexions qui se sont créées entre ses membres. Cette donnée a de la valeur, mais elle diluée par une stratégie de croissance qui a encouragé la quantité au détriment de la qualité. (ce que je rappelais dans un autre article précédent : LinkedIn, c’est une histoire de taille).
LinkedIn sait ce que vous savez
Un nombre significatif de profils ont indiqué leurs formations et leurs compétences. Mais cette information est peu efficace. Globalement, les gens sont plutôt honnêtes quand ils listent leurs compétences, mais il n’y a aucun moyen de savoir à quel point ils sont bons dans les compétences qu’ils mettent en avant.
C’est une erreur que je constate souvent. Beaucoup de candidats font une fixation sur leur nombre de recommandations qu’ils ont, alors que le vrai sujet ce sont les compétences choisies.
Mais LinkedIn ne sait pas si vous êtes bon dans ce que vous faites
Demandez à des recruteurs ce qu’ils n’aiment pas sur LinkedIn, plusieurs vous diront qu’il est extrêmement difficile de déterminer quels candidats sont à la hauteur de leurs profils.
LinkedIn pourrait développer un graphe de réputation au-dessus de son graphe de connexions. LinkedIn sait qui a travaillé avec vous et ces personnes pourraient valider vos savoir-faire. LinkedIn a lancé les recommandations en 2006 et les endorsements en 2012.
Malheureusement, aucun de ces 2 produits ne donne un signe utile de réputation. Les recommandations sont rares et creuses et la plupart du temps vous disent surtout que celui qui a une recommandation n’a pas eu peur de la demander. Quant aux endorsements, LinkedIn a poussé la quantité au détriment de la qualité, ce qui a amené les coiffeurs à endosser leurs clients pour Java.
Cette faiblesse est une opportunité pour un nouvel entrant
Une nouvelle entreprise ne pourrait lutter contre LinkedIn sur la quantité. Elle devrait en fait viser directement le point faible de LinkedIn en donnant un signal fiable de ce en quoi les gens sont bons. Ce serait une vraie alternative sérieuse à LinkedIn au lieu de se battre pour une base de données plus petite.
Opportunité 1 : évaluer les compétences de gens
Il existe des signaux de qualité dans LinkedIn, mais ils sont assez grossiers. Les employeurs regardent l’école, les employeurs précédents, mais ce sont des données brutes et biaisées. Les employeurs s’appuient sur les entretiens pour évaluer les compétences d’un candidat. C’est un processus coûteux et qui comprend de nombreux préjugés.
Les candidats ne devraient pas avoir à prouver leurs compétences à chaque entreprise qui les rencontre. Ils devraient avoir des compétences pertinentes validées par une tierce partie et inclure ces évaluations dans quelque chose qui ressemble à un profil LinkedIn.
Pourquoi donc, LinkedIn n’ajoute pas cette fonctionnalité d’évaluation ? Le problème c’est que LinkedIn a déjà un demi-milliard de profils. Même si LinkedIn persuadait des millions d’utilisateurs à obtenir ces évaluations, la couverture n’en serait que partielle. LinkedIn risquerait aussi de pénaliser la grande majorité de membres avec des profils non évalués.
En revanche, une nouvelle entreprise pourrait créer une masse critique de profils évalués. Elle pourrait cibler des profils qui n’ont pas l’école ou la marque employeur qui attirent des masses de recruteurs. Et, pas besoin de gérer elle-même les évaluations. Elle pourrait devenir une place de marché de candidats, employeurs et évaluateurs. Créer cette masse critique de professionnels évalés ne sera pas facile, mais il s’agit de quelques milliers et non de centaines de millions.
Le problème le plus difficile sera de créer de la crédibilité pour ces évaluations. Mais, là encore, le problème n’est pas insurmontable. Il faut juste une masse critique de candidats interviewés par des recruteurs qui ont un tel besoin de talents qu’ils pourraient s’y risquer. La performance d’entretien de ces candidats crée un mécanisme rétroactif, qui crée une crédibilité et une amélioration continue.
Opportunité 2 : créer un écosystème de réputation avec incitations
Les endorsements de compétences de ceux avec qui vous avez travaillé est une bonne idée. C’est juste dommage que LinkedIn soit optimisé pour la quantité et non pour la qualité. Et il est trop tard pour LinkedIn pour régler le problème tant la plateforme est inondée d’endorsements sans aucun sens.
Mais, cela pourrait être bien fait. La clé c’est de créer un écosystème de réputation avec les bonnes incitations. Une manière de le faire est de créer un réseau de références alimenté par des endorsements. Voici comment cela pourrait fonctionner simplement.
Comme sur LinkedIn, vous pouvez recommander toute personne que vous connaissez. La somme des recommandations donne un score au candidat et les candidats aux meilleurs scores sont présentés à des employeurs appropriés. C’est une somme pondérée : votre réputation détermine le poids de vos recommandations. Si quelqu’un que vous recommandez est recruté, vous gagnez une part de la taxe de référence, en fonction du niveau auquel votre recommandation a contribué au score du candidat. Enfin, votre réputation monte ou baisse selon le feedback des employeurs sur les candidats que vous recommandations leur ont envoyées.
Ce système aligne les incitations. Vous êtes financièrement incité à recommander les gens. Mais vous voulez garder une bonne réputation pour que vos recommandations aient du poids, donc vous ne recommandez que les gens dont vous pense que les employeurs vont aimer.
Cet exemple est simple et créer ainsi un tel réseau de référence nécessite quelques nuances. Les endossements et la réputation devraient être spécifiques aux compétences. Les commentaires des employeurs pourraient être interprétés différemment selon l’employeurs et les employeurs eux-mêmes pourraient avoir une réputation. Cet exemple simple montre qu’un écosystème de réputation avec les bonnes incitations peut créer un signal fort de qualtité.
La disruption de LinkedIn sera difficile, mais elle est inévitable
C’est toujours difficile de dépasser un leader. LinkedIn, malgré tous ses défauts, s’est imposé comme un élément de base du marché du recrutement en ligne et il continuera de rester leader sur le marché pour quelques temps encore.
Mais les gens ont longtemps voulu quelque chose de mieux, un moyen de réduire l’écart entre ce que les gens disent qu’ils peuvent faire et ce qu’ils peuvent réellement faire. Il est possible de le faire. Quel que soit le moyen, quelqu’un découvrira comment bousculer LinkedIn en créant un signal fort de qualité.
Alors allez-y : aidez les gens à recruter et à se faire recruter.