Zero Work Economy – pourquoi le Future of Work est un contresens
- On nous vend depuis dix ans le “Future of Work” comme si c’était une évolution inévitable, un passage obligé. Cabinets de conseil, gouvernements, directions générales : tout le monde répète la même chanson. Le travail va changer. Il sera augmenté. Il sera réinventé. Comme s’il s’agissait d’une évolution rassurante : on requalifie, on forme, on cohabite avec les machines.
- Sauf que ce n’est pas ce qui est en train de se passer : l’IA ne complète pas le travail, elle l’absorbe.
- La vérité est beaucoup plus brutale : le travail disparaît comme socle de valeur. Et continuer à parler de “Future of Work” est devenu un contresens. C’est la fin du travail comme socle de valeur et d’existence.
La rupture : travail ≠ valeur ≠ droits
Le capitalisme moderne tenait sur une équation simple, implicite et rarement questionnée : travail = valeur = droits.
- Pour générer un revenu, il faut un travail.
- Pour accéder à un logement, il faut un travail.
- Pour financer des soins, il faut un travail.
- Pour obtenir un statut social, il faut un travail.
Le travail est bien plus qu’une activité : c’est la clé d’accès à l’existence légitime.
Or, l’automatisation et l’IA viennent briser cette équation :
- Le travail n’est plus le canal central de création de valeur.
- Mais il reste le seul canal d’accès aux droits économiques.
- Ce décalage ouvre une fracture systémique que ni le storytelling corporate, ni la formation continue ne pourront combler.
La promesse non tenue du Future of Work
On nous répète partout que l’IA et l’automatisation ne vont pas supprimer d’emplois, mais transformer les métiers. Que le salarié d’aujourd’hui deviendra le collaborateur augmenté de demain. Que l’enjeu, c’est juste de se former, de s’adapter, d’“upskiller”.
Belle histoire. Mais surtout une histoire rassurante.
Dans la réalité, ce que l’on observe tous les jours dans les entreprises, c’est une dynamique complètement différente. Ils fonctionnent comme des narratifs compensatoires. Ils maquillent une dynamique qui n’a rien de négociable : la substitution silencieuse.
Un narratif corporate rassurant mais trompeur
Les discours officiels sont calibrés. Ils ont deux fonctions : éviter la panique sociale et protéger les marques employeurs.
Alors on parle de “nouveaux métiers”, de “requalification”, de “collaborateurs augmentés”.
Le problème, c’est que ce narratif masque les faits :
- des pans entiers de fonctions disparaissent discrètement ;
- les entrées de carrière se réduisent (moins de juniors recrutés, moins de parcours progressifs) ;
- les organisations s’habituent à produire plus avec moins d’humains.
Dit autrement : le travail n’est pas transformé, il est absorbé par les systèmes.
On peut parler de “co-pilotage” tant qu’on veut. La vérité est simple : l’IA capture la valeur avant l’humain.
L’illusion de l’IA qui augmente l’humain
L’argument phare, c’est que “l’IA ne remplace pas, elle assiste”.
Sauf que dans les faits, cette assistance remplace déjà une grande partie de la valeur humaine.
Quelques exemples très concrets :
- Dans le code, GitHub Copilot génère 60 à 80 % des lignes standards. Les seniors corrigent, les juniors n’existent plus.
- Dans le service client, plus de la moitié des interactions passent par des bots conversationnels. Le “niveau 1” a disparu.
- Dans le conseil, des slides entières sont produites par IA en quelques secondes. Ce qui était le travail de dizaines de juniors est devenu une commodité.
L’IA n’augmente pas l’humain. Elle augmente la productivité marginale du capital.
Et ce n’est pas la même chose.
La vraie rupture – quand le travail cesse d’être le socle
Le point clé est là : le travail n’est plus le socle.
Il reste central dans l’imaginaire collectif, dans les politiques publiques, dans les grilles RH. Mais dans les faits, l’équation a déjà basculé.
Travail = valeur = droits : l’équation qui se brise
Notre système repose sur une évidence implicite :
👉 travailler → créer de la valeur → obtenir des droits.
C’est par le travail qu’on accède à un revenu, à un logement, à des soins, à un statut social.
Le travail n’est pas seulement une activité : c’est l’infrastructure de l’existence économique.
L’automatisation casse cette équation :
- la valeur est créée sans travail (ou avec beaucoup moins) ;
- mais l’accès aux droits reste conditionné au travail ;
- le décalage devient un gouffre.
C’est ce qui fait la vraie rupture. Pas la transformation des métiers. Pas la “montée en compétences”. Mais l’obsolescence structurelle du travail comme médiation.
Exemples sectoriels (finance, éducation, services, médias)
Prenons quelques terrains où c’est déjà visible :
- Finance : là où 20 analystes juniors planchaient sur des modèles, un seul stratège + une IA suffisent désormais. Résultat : les juniors disparaissent, la valeur reste produite, mais hors de leurs mains.
- Éducation : dissertations, codes, projets : une part croissante des étudiants utilisent l’IA comme proxy. La valeur cognitive standardisée est déjà absorbée. Les enseignants ferment les yeux, mais les filières de reproduction des élites sont bousculées.
- Services : support client, help desk, relation simple → massivement automatisés. Le “premier niveau humain” est déjà mort.
- Médias : la majorité des rédactions produisent aujourd’hui leurs premiers drafts avec IA. Le rôle du junior n’existe plus, il ne reste que la validation senior.
Même logique partout : la valeur se détache du travail humain.
L’effet Zero Work Economy
Le basculement ne se résume pas à “moins d’emplois” ou “plus de machines”.
Il s’agit d’un déplacement massif de la valeur : de l’humain vers les systèmes.
C’est cet effet que j’appelle Zero Work Economy.
Transfert de valeur des compétences vers les systèmes
Avant, la compétence était monétisable.
On échangeait des heures, des savoir-faire, des expertises contre du revenu.
Aujourd’hui, ce sont les systèmes qui capturent directement la valeur :
- Une IA de diagnostic absorbe la valeur de centaines de médecins juniors.
- Un modèle de langage remplace le travail de toute une génération de consultants juniors.
- Un générateur de code capture l’intelligence de milliers de développeurs en formation.
Résultat : la valeur n’est plus dans la compétence humaine, mais dans la machine qui la synthétise.
Le capital ne paie plus des individus, il paie l’accès à un système.
Le tri implicite : orchestrateurs vs invisibles
Ce transfert crée un effet de tri silencieux.
- D’un côté, une élite d’orchestrateurs : ceux qui savent piloter les systèmes, formuler les bonnes questions, relier technologie et stratégie. Ultra-minorité.
- De l’autre, une masse d’invisibles : ceux dont les activités sont absorbées, qui n’ont plus de place économique reconnue. Ils ne disparaissent pas du jour au lendemain, mais ils deviennent progressivement inutiles aux yeux du système.
Exemple concret :
Dans une banque, sur dix juniors, huit disparaissent. Deux restent, non pas pour produire, mais pour orchestrer les sorties d’IA.
C’est ça le tri : ou tu deviens hub cognitif, ou tu sors du flux.
L’illusion, c’est de croire que l’IA va “augmenter” tout le monde.
La réalité, c’est qu’elle sélectionne et exclut.
Trois trajectoires possibles dans l’après-travail
Si le travail ne tient plus l’équation, il faut inventer d’autres bases.
Trois trajectoires se dessinent déjà. Elles ne sont pas théoriques : on voit leurs signaux faibles partout.
Revenu inconditionnel structuré
Le revenu universel n’est plus une utopie militante.
C’est en train de devenir une nécessité économique.
- La Finlande, le Canada, certains États américains testent déjà des programmes.
- Les résultats montrent moins de stress, plus de stabilité, parfois même plus d’initiative.
La différence, c’est que ce revenu n’est pas une “aide sociale”.
C’est un nouveau socle, comme l’électricité ou l’accès à Internet : un droit d’existence, décorrélé du travail.
Sans ça, on crée des millions d’exclus structurels.
Élite cognitive orchestrale
La deuxième trajectoire est déjà visible : l’émergence d’une élite d’orchestrateurs.
- Ceux qui savent piloter l’IA, comprendre les modèles, poser les bonnes questions.
- Ceux qui combinent technique et vision stratégique.
Ce sont les “rentiers cognitifs” de demain : ultra-minorité capable de tirer profit des systèmes.
Ils ne produisent pas eux-mêmes, ils orchestrent.
Et ils captent la valeur de tous les autres.
Collectifs décentralisés post-travail
La troisième voie se joue hors des circuits classiques.
- Les communautés open source, qui produisent sans salariat.
- Les DAO (Decentralized Autonomous Organizations), qui organisent valeur et gouvernance autrement.
- Les collectifs qui misent sur la contribution plutôt que sur le contrat de travail.
Ce sont encore des embryons. Mais ils prouvent qu’on peut créer de la valeur hors du paradigme “emploi = existence”.
Ces trois trajectoires ne s’excluent pas. Elles vont coexister.
Mais elles ont un point commun : elles ne reposent plus sur le travail comme socle.
De quoi les COMEX doivent s’emparer dès aujourd’hui
Ce n’est pas une question RH. Ce n’est pas une question de gestion des talents.
C’est une question stratégique : si le travail n’est plus le socle, alors il faut piloter autrement la création de valeur et l’accès aux droits dans l’entreprise.
Les COMEX qui continuent à penser “transformation du travail” font fausse route.
Ce qu’il faut, c’est comprendre la bascule :
- la valeur passe des compétences aux systèmes,
- le travail ne garantit plus l’existence économique,
- la cohésion sociale interne explose si on n’anticipe pas cette fracture.
Un enjeu stratégique, pas un problème RH
Mettre trois coachs et un plan de formation ne suffira pas.
La bascule IA ne se gère pas comme une GPEC classique.
La vraie question pour un board est :
👉 comment mon entreprise garde sa légitimité si son socle humain devient résiduel ?
C’est une question de modèle économique, de gouvernance, de positionnement.
Pas de “skills gap”.
La Zero Work Grid comme outil de pilotage
La plupart des directions n’ont pas d’outil pour penser cette rupture.
Elles continuent à naviguer avec des KPIs de productivité et des schémas RH hérités.
C’est pour ça que j’ai conçu la Zero Work Grid.
Un cadre visuel simple, qui permet aux COMEX de voir où ils se situent :
- encore dans l’ancien paradigme (travail = valeur = droits),
- dans l’illusion du Future of Work,
- ou déjà dans la logique Zero Work Economy.
C’est un outil de pilotage stratégique.
Pas une “slide inspirante”. Pas un gadget de consultant.
La Zero Work Grid permet de voir clair.
- Axe vertical : création de valeur (humains → systèmes).
- Axe horizontal : accès aux droits (via travail → hors travail
👉 Quatre quadrants :
- Work Economy : modèle classique, valeur par le travail humain.
- Illusion Future of Work : discours hybride, droits arrimés au travail alors que la valeur est déjà captée ailleurs.
- Zero Work Economy : valeur créée par les systèmes, droits redéfinis autour de l’orchestration.
- Shadow Zone : collaborateurs encore présents mais déjà invisibles.
C’est un miroir impitoyable pour les directions.
La question n’est pas “comment former ?” mais “dans quel quadrant êtes-vous déjà enfermés ?”
👉 Pour découvrir la Zero Work Grid et comprendre comment elle s’applique à votre organisation :
www.zeroworkeconomy.com
Conclusion : La fin du travail n’est pas une crise, c’est une obsolescence structurelle
On parle encore du “Future of Work” comme si c’était un horizon.
En réalité, ce futur est déjà derrière nous.
Le travail ne disparaît pas parce qu’on l’aurait “mal géré”.
Il disparaît parce que les systèmes font mieux, plus vite, sans salaire ni pause.
C’est une rupture civilisationnelle :
- L’éthique ne la régule pas.
- Le corporate ne la ralentit pas.
- La politique ne l’anticipe pas.
Le travail n’est plus le socle.
Et continuer à le penser comme tel, c’est condamner nos entreprises à courir derrière une fiction.
Le sujet n’est plus : comment travailler demain.
Le sujet est : comment exister dans un système qui n’a plus besoin de nous pour fonctionner.
👉 La fin du travail n’est pas une crise. C’est une obsolescence structurelle.
📌 À suivre
La Zero Work Grid est disponible en téléchargement ici → [Lien vers la Grid].
Et le Playbook COMEX expose les 9 décisions à prendre pour survivre dans une économie sans travail.